Monday, 1 December 2008

I can’t decide whether you should live or die… ode to my workplace

Quel plaisir je prends tous les matins d'aller travailler. Quatre heures dix, mon réveil sonne. Le chat gueule pour manger. Je bois un café, mange un bout et c’est parti, je sors jusqu’à ma voiture. Il fait froid. La serrure côté conducteur ne fonctionne plus, alors je passe par le côté passager et enjambe le levier de vitesse. Elle démarre, plutôt pas mal, je croise les doigts. Armé de mes gants, mon écharpe, mon bonnet, j’ouvre la fenêtre pour désembuer et fumer une cigarette. Je n’ai plus de chauffage. L’autoroute, la pluie, le brouillard, les poids lourds (il n’y a qu’eux à une heure si matinale) jusqu’à ma destination finale : l’ABATTOIR.
Et là… un univers si particulier. C’est un abattoir, déjà, c’est spécial, mais surtout cet abattoir. Une enclave française à lui seul, un fonctionnement unique avec des gens uniques.

PRESS PLAY PLEASE:



Découvrez Scissor Sisters!


Moi j’appartiens à un service d’Etat qui assure une inspection permanente des abattoirs. Devoir de réserve oblige, je ne m’étendrais pas sur nos missions ni sur mes collègues.
La grande question, pourquoi avoir choisi cette chanson des Scissor sisters ? J’espère que vous aviez bien appuyés sur play quand je vous ai dit de le faire. Le ton de la chanson et ses paroles s’appliquent assez bien à ce que je ressens sur ce lieu et ses occupants.
L’abattoir traverse une crise qui pourrait conduire à la fermeture ou au contraire à un rachat. Notre position (en tant que service de l’Etat) là dedans est assez marrante, à la fois boucs émissaires et assistance sociale. La direction adore nous accuser de tous les maux de l’établissement, les gars de la chaîne adorent vider leurs sacs et nous confier leur ressentiments (quand ils en ont vraiment besoin, sinon ils nous grognent après). C’est très spécial comme ambiance mais au final on a comme l’impression d’appartenir à une certaine famille, et avec du recul, même s’il y a des jours où je ne le supporte plus, il y a des côtés sympas… Donc la chanson en rapport dresse un peu cette relation de je t’aime moi non plus.

« It's not easy having yourself a good time
Greasing up those bets and betters
Watching out they don't four-letter
If I can kiss you both at the same time
Smells-like something I've forgotten
Curled up died and now it's rotten”
Traduction et "commentation":
« C'est pas facile de passer du bon temps
Graisser les paris vers le haut (= augmenter les paris)
Une observation ne se conclue pas en quatre mots
Te descendre et t'embrasser en même temps
Ca ressemble à quelque chose que j'aurais oublié
Tellement ancien que c'est maintenant mort et putréfié »

Observation de l’abattoir de loin, pas simple d’avoir joué par le passé et essayé de baiser tout le monde, tout vient à point à qui sait attendre et aujourd’hui les sanctions pleuvent. « Te descendre et t’embrasser en même temps », impossible d’être juge et parti, surtout en notre position de service de l’Etat (ce qui a été oublié par certains anciens, échappés en retraite), « ca ressemble à quelque chose que j’aurais oublié (sic), tellement ancien que c’est maintenant mort et putréfié (pas si sûr que ça…)». Oui, soyons franc, c’est l’ancien collègue qui parle…

Deuxième partie :

« I'm not a gangster tonight
Don't want to be a bad guy
I'm just a loner baby
And now you're gotten in my way”
Tradale:
“Ce soir je ne suis pas un gangster
Je ne veux pas être un méchant
Je suis juste un solitaire baby
Et maintenant tu es sur ma route »

Commentaire : là c’est moi qui parle… Je viens d’être nommé, je suis tout jeunot et innocent. Pas envie d’être corrompu, pas envie d’être méchant même si ca fait un peu partie du métier… Je suis tout neuf mais tu es plus que sur ma route mais carrément rentré dans ma vie à un tel point que je ne peux jamais t’oublier et je parle de toi tout le temps (et ça emmerde tout le monde, t’as vraiment du pouvoir sur moi espèce d’abattoir pourri !)

CHORUS :
« I can't decide
Whether you should live or die
Oh, you'll probably go to heaven
Please don't hang your head and cry
No wonder why
My heart feels dead inside
It's cold and hard and petrified
Lock the doors and close the blinds
We're going for a ride”
Tradale:
“Je n'arrive pas à décider
Si tu dois vivre ou mourir
Oh, tu iras probablement au Paradis
S'il te plaît ne te prends pas la tête et ne pleure pas
Ne me demande pas pourquoi
Mon coeur est mort à l'intérieur
Il est froid, dur et pétrifié
Verrouille la porte et ferme les rideaux
On va faire un tour »
Toujours moi qui parle : je n’arrive pas à savoir ce qui vaut le mieux… Fermer ou rester ouvert ? Fermer serait triste pour tout le monde qui travaille là bas et particulièrement pour les opérateurs de chaîne qui ont un savoir faire trop peu rémunéré, les voir dehors me ferait mal, ne plus les voir aussi me manquerai un peu (peut être pas longtemps) mais c’est comme les collègues, on passe réellement du temps ensemble(peu importe les affinités présentes o pas), se retrouver dispatché ferait bizarre. Rester ouvert, Ok, mais du coup je serais pris au piège de rester aussi. Ce qui ne me dérange pas tant que je peux m’en échapper un jour. Les références au cœur… de fait, incapable de décider.

« It's a bitch convincing people to like you
If I stop now call me a quitter
If lies were cats you'd be a litter
Pleasing everyone isn't like you
Dancing jigs until I'm crippled
Slug ten drinks I won't get pickled”

“C'est difficile de convaincre les gens de t'apprécier
Si j'arrête maintenant, traite-moi de dégonflé
Si les mensonges étaient des chats, tu serais une portée
Faire plaisir n’est pas ton fort
Dansant jusqu'à ce que je sois estropié
Même après dix verres je ne serai pas saoul »

Oui, difficile de faire apprécier un endroit pareil… et pourtant c’est vrai que si je partais déjà je serais un dégonflé. Sans même voir l’aboutissement de chantiers mis en place, ça serai assez lâche de ma part vis-à-vis de mes collègues et de ma hiérarchie, ainsi que vis-à-vis des gars… Bon certes, les responsables de cette boutique racontent mensonge sur mensonge, versions changeantes d’un interlocuteur à l’autre ou d’une heure à l’autre… mais bon ça contribue au charme de l’endroit, même si c’est un peu fatiguant. Faire plaisir… Ouais c’est sûr que ce n’est pas vraiment l’esprit de la maison. Faire plaisir à nous encore, on s’en fout. Par contre faire plaisir aux ouvriers… ça ils ne savent pas faire… Au bilan, il faut que j’arrive à me convaincre de me battre pour tenir tête et rester efficace encore un temps, quoi qu’il arrive !

« I've got to hand it to you
You've played by all the same rules
It takes the truth to fool me
And now you've made me angry”

“Je dois bien vous l'avouer
Vous avez joué selon les mêmes règles
Ca prend la vérité pour me rendre fou
Et maintenant vous m'avez énervé »

Et oui, quand les vérités éclatent, ça énerve. On découvre des nouveautés tous les jours. Des cachoteries qui avaient été faites, des coups bas, des manigances, etc. Les découvrir c’est bien, mais les résoudre ou faire avec c’est dur, donc effectivement, ça énerve.

« Oh I could throw you in the lake
Or feed you poisoned birthday cake
I wont deny I'm gonna miss you when you're gone
Oh I could bury you alive
But you might crawl out with a knife
And kill me when I'm sleeping
That's why + CHORUS”

“Oh je pourrais bien te jeter dans un lac
Ou empoisonner ton gâteau d'anniversaire
Je ne nierai pas que tu me manqueras quand tu seras parti
Oh je pourrais t'enterrer vivant
Mais tu ramperas et sortiras peut-être à l'aide d'un couteau
Et tu me tueras quand je dormirai
C'est pourquoi +
REFRAIN»

Oui, je pourrais m’employer à faire pire que ce que je fait pour enterrer cette boite, mais si fermeture il devait y avoir… Je ressentirais quelque chose de bizarre. Enterrer vivant… c’est risqué, je ne veux pas une horde de tueurs devant ma porte, et ces mecs ont du talent, ils manient bien le couteau !

Bref… Comprendre ce chantier est un peu complexe. Je pense que c’est un trip très personnel qui ne pourra être compris par tous. Enfin si c’est compris, je dis tant mieux et merci.
Si je résume la situation…
Oui, il y a des jours très pénibles avec des tensions, de la fatigue, du stress… et à côté de ça, il y a une communauté à laquelle on appartient malgré nous. Le bassin d’emploi local, plusieurs personnes par famille travaillent là bas, les histoires de cul entre le personnel, les querelles de familles, les groupes, les moments de solidarité entre eux (nous avons pu les observer en grève), les mots qu’ils nous disent parfois et qu’il faut savoir prendre à la volée pour nous dire qu’ils nous aiment bien (c’est très très rare). Un microcosme qu’il faut savoir observer et dans lequel il faut chercher les points positifs, il y en a... les points négatifs, il y en a aussi. Mais aujourd’hui je suis bien disposé donc je ne dresserai pas la longue liste de ces derniers !

6 comments:

Anonymous said...

Belle analyse, parallèle entre explication de texte et journal intime. Style intéressant et choix de trame pertinent.
Néanmoins le sujet à traiter était "La crise des subprimes aboutira-t-elle, à terme, à une augmentation du prix des produits carnés ?". La composante macro économique n'apparait pas dans votre exposé, borné à un contexte hyperlocal.

3/20 (Respectez les consignes !)

Unknown said...

Je reconnais... Mais 3/20, vous êtes dur quand même Monsieur (ou madame) le Professeur! J'essaierai de me rattraper au prochain devoir!

Anonymous said...

J'apprécie ta plume et cet essai original, mais je ne reconnais mon ami dans ces écrits ...
Ne baisse pas les bras !
J'ai confiance en toi.

Bises

Tom said...

Gaelle! Promis je vais faire des efforts... la fatigue me possède et l'exaspération parfois pour ce lieu aussi. L'envie de déballer trop vite a surement nui au sens. Mais merci en tout cas, d'être toujours aussi fidèle.
Je t'embrasse

Anonymous said...

Contexte hyperlocal... pas spécialement d'accord. Les témoignages affluent en ce moment (décembre serait-il propice aux confidences des anciens) : même si l'expression diffère, le ressenti sur le fond est de façon troublante très comparable d'un IV à un autre (y compris les III qui devraient être des IV, on me comprendra). Les cas d'espèces sont différents bien sûr, mais si vous saviez tous à quel point vous n'êtes pas seuls, loin s'en faut, à vivre ce malaise si justement décrit par Tom !!!! La réalité est donc bien aussi inquiétante qu'elle en avait l'air, vu de loin. Gaelle a raison : ne baisse pas les bras, il faut faire les choses au mieux quand on est dedans. Mais garde aussi les yeux au dessus du guidon, pour ne pas manquer le panneau de changement de chemin quand il se présentera. (Pandore)...

Anonymous said...

Quel plaisir de vous lire ma chère Pandore! Et je ne manquerai de vous écrire sous peu (cela fait quelques temps que c'est sur mon agenda!! je suis impardonnable...).
Mon néo III pourrait, sous influence préfectorale et politique, retrouver sa place de II... Quelques mois après le sulfureux sandale des abattoirs dressé par le Point, tout le monde est plus concerné par la crise économique que par les soucis de sécurité sanitaire (excepté un vent de panique disproportionné sur du suidé dioxiné...).
En attente d'un audit de plus hautes instances, je garde espoir et surtout une grande motivation (décidément je ne m'exprime sur ce lieu que quand je suis bien luné!). Je sais que je ne suis pas seul à affronter ce genre de situation, et quelque part, je reconnais qu'elle est formatrice, très formatrice. Et non, je ne peux pas laisser ma cervelle à l'entrée en allant travailler, je ne peux pas, et je ne le veux pas. Encore quelques années et je baisserais peut être les bras, mais j'espère pas!
Merci pour ce doux commentaire, et à très bientôt, ma chère Pandore, sur d'autres ondes.