Tuesday, 28 July 2009

"Dis moi Monsieur", Touchante innocence... d'un tripier

Mon métier formidable, encore une fois...
Fin de pause, les tueurs repartent sur la chaîne. Instant de pause, la vraie. Le réfectoire se tarit de bruit quand il repartent. Je bois un café avec une de mes collègues. Banalités d'un été, congés à venir, "où pars-tu, que fais tu?".

Un tripier entre dans la salle. Penaud, il se dirige vers la fontaine, prend un verre d'eau. Il nous regarde. Nous ne lui prêtons pas d'attention particulière et continuons notre conversation.

Comme un enfant qui veut demander quelque chose, il nous fixe, ne tient pas vraiment en place. Presque en levant l'index, il me regarde et me demande tout doucement mais déterminé ("ça y est, je me lance!" a t-il dû se dire): "ouais euh, tu pourras venir me voir en triperie s'te plait??...". Pris au dépourvu... "Euh... oui... Pourquoi?"; "Faut qu'j'te parle de quelque chose...". Ma collègue: "Ben il est là, tu peux lui parler ici...". Sèchement il lui répond: "Non! C'est à lui que j'veux parler...". Très bien, je lui dis que je finis mon café et j'arrive.

On se regarde avec ma collègue... Que me veut ce tripier?? J'angoisse à moitié, il a eu une altercation avec un de ses collègues quelques semaines auparavant... Ai-je maladroitement pris position pour son adversaire? Ou veut-il dénoncer une pratique? Flou, je ne sais pas à quoi m'attendre.

Je prends mon courage à deux mains, je me dirige vers la triperie. Et sans mentir, avec une légère boule au ventre.

Je m'approche de lui, il me regarde, plus à l'aise que dans le réfectoire, mais avec timidité il me demande...

"ouais euh, ma femme elle veut faire véto comme toi, euh... j'voulais savoir, euh...ben, c'ki fallait faire quoi, euh pour faire ça..."

Magnifique et très touchant "faire véto comme toi"!
Explications: Les services vétérinaires sont présents en permanence dans les abattoirs communautaires (j'en suis). Les équipes sont généralement composées d'un docteur vétérinaire, de plusieurs techniciens des services vétérinaires, de contrôleurs sanitaires et éventuellement d'agents vacataires.
Donc... je lui réponds comment... Le concours exige un baccalauréat à minima. Et il faut être honnête, avoir le concours avec le bac, c'est dur... Généralement, un peu plus de bagage aide bien à passer les épreuves et ) être reçu.
Première réponse (classique): il faut passer un concours.
Premère question: "ta femme a le bac?"
Sa réponse: "Ben non, elle a un BEP CAP"
Ah... Comment ne pas heurter? "Ben, ça risque d'être un peu juste pour passer le concours, il y a une école qui prépare au concours, mais le bac est indispensable, même si elle a surement les capacités..." "Ah, bon..." "Puis en plus, quand tu rentres dans la fonction publique tu peux être muté n'importe où... Puis il faut partir en formation à Lyon, etc". Bref, je l'ai quand même orienté sur d'autres concours pour sa femme.

J'ai trouvé très mignon, son approche, et sa timidité, l'innocence d'un enfant presque. Léger sentiment de satisfaction, "il y en a là dedans qui ont un minimum de respect pour nous!".
Léger sentiment de satisfaction vis à vis de ma collègue... "Non! C'est à lui que je veux parler!"
Et pour conclure, il faut vraiment croire que je n'ai rien à envier à mes amis enseignants, et que moi aussi je fais le plus beau métier du monde! Nah!

PS: Parution de la mobilité, aucun poste qui m'interesse, je suis donc obligé de rester... à l'abattoir! Snif!

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2 comments:

Anonymous said...

Eh ben, quel respect...ça change.....
Et sinon, y'a 2 postes vacants à Thiviers....hum....

Anonymous said...

Hum... après réflexion Ludo... je vais rester où je suis. Y a au moins un beau gosse qui vient presque toutes les semaines...